Inventons le futur
Les trois quarts du budget du Cniel, c'est nous ! Reprenons-y le pouvoir.
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Dans la série « on coule et on nous lance des enclumes en guise de bouées », parlons de ce sur quoi nous avons de l'influence. Il est toujours facile de s'en prendre à des institutions lointaines (Bruxelles), ça évite de balayer à notre porte. Prends, au hasard, le Cniel (Centre national interprofessionnel de l'économie laitière) financé par un prélèvement de 1,22 e par tonne de lait sur toutes nos livraisons et 0,44 e pour les transformateurs. Cet organisme récolte donc plus de 40 millions d'euros par an pour mener ses missions. Même toi qui n'as pas la bosse des maths, tu comprends que les producteurs versent les trois quarts du budget. Cet organisme est dirigé conjointement par trois collèges : les producteurs (FNPL et Confédération paysanne, en attendant bientôt l'OPL), les transformateurs avec les industriels privés (FNIL) et les coopératives (FNCL). La présidence est tournante et les décisions prises à l'unanimité. C'est le propre d'une interprofession où chacun doit, dans le compromis, trouver un bénéfice pour l'ensemble de la filière et donc rogner sur son seul intérêt.
Autant dire que depuis des mois, la Maison du lait, où s'affrontent ouvertement industriels et producteurs, ne prend plus de décision. Signe patent de ce blocage, la démission, en juillet 2015, de son président en titre Thierry Roquefeuil, par ailleurs à la tête de la FNPL. Et signe du dialogue de sourds qui y règne, la traduction, par chacun, des tables rondes de l'été dernier à l'initiative de Stéphane Le Foll sur le prix du lait. Thierry Roquefeuil les a interprétées par une augmentation potentielle de 30 € sur nos factures quand, pour Dominique Chargé, président de la FNCL, les producteurs ne pouvaient espérer plus de 3 à 4 € au maximum. Tous les deux sont producteurs de lait et j'espère qu'il leur arrive de traire des vaches de temps en temps. Au final, tout a capoté. Tu vois bien, là, le cas de conscience et le dilemme de ceux qui nous représentent. Pendant ce temps, les privés comptent les points et engrangent.
Critiquer, c'est facile, alors je vais oser des préconisations au cas où nos dirigeants manqueraient d'idées. Contrairement à ce que demandent certains, hors de question d'intégrer des représentants des GMS dans le Cniel actuel, vu le pataquès ambiant. Mais pourquoi ne pas simplement le séparer en deux ? D'un côté, un outil de concertation et de promotion, financé par 10 M€ des producteurs, 10 M€ des transformateurs et, pourquoi pas, 10 M€ des GMS, afin de créer une instance de dialogue. Les consommateurs pourraient aussi y être présents pour la transparence. De l'autre, créons un outil pour la seule profession. Avec 20 M€, il y aura bien largement de quoi embaucher un expert capable de nous calculer un prix de revient net, rémunération comprise, exempt de tout artifice et accepté par toute la filière. Mais aussi un juriste et des négociateurs commerciaux chargés de décrypter le marché, d'anticiper les évolutions et surtout d'appuyer les responsables d'OP, regroupées en AOP par bassins laitiers, dans leurs négociations avec les laiteries.
Je propose aussi aux politiques de redonner du pouvoir à FranceAgriMer pour connaître le mix-produit de chaque industriel et calculer la valorisation de notre lait. Il est inacceptable qu'en France, pays du camembert, notre lait soit payé (entre autres) sur la base du gouda en cube d'une tonne au marché de Rotterdam. Pour le reste, va lire les préconisations du rapport sur la contractualisation de la filière laitière. Voilà à quoi doit servir l'argent des producteurs et pas à autre chose. À budget égal, reprenons le pouvoir.
PASCAL POMMEREUL
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